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Photo du rédacteurVictor Labbay

De Pagnol à Fantômas

Comment s’organise le confinement dans la campagne aixoise ? Le village de Puyricard à quelques kilomètres d’Aix-en-Provence s’est figé depuis le 17 Mars dernier à midi.


Déjà très calme, le village de Puyricard est désormais fantôme. Huit heures. Le souffle hydraulique régulier des bus scolaires ne rythme plus leurs passages devant la salle des fêtes. Les élèves sont chez eux. Les affiches déchirées des élections municipales n’ont pas été recouvertes. Les écoles sont vides, les cours de récréation ne résonnent plus des cris des enfants. Un ballon égaré roule au gré du vent. Aucun parent devant le portail. Le ballet habituel des voitures n’est pas. Le parking est désert. Dans les rues étroites, les silhouettes lentes des anciens ne se dessinent pas comme chaque matin. La place de la mairie, lieu incontournable d’interminables parties de pétanque est dépeuplée. Aucune trace de cochonnet n’égratigne le sable fin, aucun son métallique ne couvre le chant des oiseaux. Les boulistes sont chez eux. Les bancs sont dégarnis, les spectateurs ont abandonné leur poste. Les cloches de l’église sonnent. Les grandes portes de chênes sont verrouillées, la messe n’a pas lieu. Seul un écriteau blanc punaisé indique « les mariages et baptêmes sont reportés. Les obsèques se dérouleront avec vingt personnes maximum ». De l’autre coté de la route, personne n’occupe la terrasse du bar. Pour la première fois après des années entières passées dehors soumises aux intempéries, les chaises sont rangées derrière le rideau de fer. Le store est remonté, les orangers du Mexique fanent dans les jardinières. L’ardoise indique à moitié effacé, plat du jour : pieds paquets.


Masques et précautions maximales


Les rares commerces ouverts font preuve d’imagination pour se protéger et prémunir leurs clients. La boulangerie de la rue principale a opté pour des bâches translucides mais très épaisses. Elles sont maintenues par de solides piquets et scotchées de larges bandes striées de noir et de jaune. Dans les vitrines les pâtisseries variées et colorées font place à de simples viennoiseries. Le choix des pains est réduit. La boulangère affublée d’un masque artisanal pousse la monnaie dans une coupelle arrimée à un bâton pour éviter tout contact. Face à la mairie dont les volets sont clos, un tableau noir intime l’ordre de rentrer deux par deux dans la boucherie. Les habitués ne font qu’entrer ou sortir à la sauvette. Les commandes se font désormais par téléphone. En bas des trois marches qui mènent à la boutique, Christelle, écharpe sur le nez approuve cette mesure « ça nous évite de rester trop longtemps à l’intérieur, mais les discussions animées avec le boucher et entre clients nous manquent ». Le petit Casino entrouvre lui aussi ses portes. Trois par trois, les Puyricardiens y font leurs courses de première nécessité sous les regards fatigués des deux gérants. Ces derniers ne comptent plus leurs heures de travail et se protègent tant bien que mal avec de simples masques en papier. « Si nous fermons le magasin, comment vont faire les personnes âgées, elles n’ont que nous » soupire Evelyne à la caisse. La file d’attente devant la pharmacie s’étire. Si les distances sont respectées, visages masqués les gens patientent en quinconce sans discuter, l’air hagard pour certains. L’ambiance n’est pas à la galéjade. L’image du village pagnolesque est bien loin.


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